Samedi 29 novembre 2025
Spéléo, visite, première
Ultimate Kondalé 2025 / L’Affluent Sonore et « Opération Survie » pour JN, Cabrespine (11)
Participants
ITP / SCM / GPS : Jean-Noël D.
Gruissan Prospection Spéléo : Jean-Marie B., André M.
Interclub pour la descente au Kondalé, 4 clubs, 7 participants
TPST : neuf heures
Projet de la sortie : établir une jonction ARVA entre le Kondalé, cavité qui se trouve à l’aplomb de la rivière de Cabrespine qui doit passer quelques dizaines de mètres plus bas. Jean-Marie m’avait emmené visiter le Kondalé le 5 mai 2018, il se terminait à l’époque à la côte -190 m. Depuis les désobstructions avaient été poursuivies mais ils butaient dans un puits borgne, sans courant d’air apparent.

D’après le report topo le réseau du Kondalé est à 55 mètres au sud de la rivière et quelques dizaines de mètres au-dessus. Ci-dessus, le Kondalé est le petit gribouillis au milieu en haut, à gauche de la piste. Plus précisément entre l’éboulis sud des Fistuleuses et l’Affluent des Canots. Plus précisément vers l’Affluent Sonore. Jean-Marie, qui connait plutôt bien la cavité et avait déjà eu l’occasion de tenter des désobs dans cette zone, ne connait pas cet Affluent Sonore.
Pour moi cette zone m’est apparemment inconnue, bien que relisant mes aventures de 1995, ce fut notre terminus lors de notre visite le 29 octobre avec Francis M. et Bernard B. À l’époque nous avions mis sept heures
pour l’aller et retour, c’était il y a 30 ans !
Lors de ma dernière visite de Cabrespine en 2024 – le Réseau Capdeville, situé bien en amont de la zone prévue (après la Galerie des Gours) – j’étais sorti un peu fracassé après six heures de crapahutage. Là le but était d’aller bien plus loin, à gauche hors de la carte ci-dessus, après la Salle des Dômes. Point que Jean-Marie et André atteignaient en marchant à bonne vitesse, en environ trois heures.
Heureusement Jean-Marie a chopé la crève à Spélimages et comme c’est pas la grande forme (il avait d’ailleurs une furieuse envie de rester au lit le matin), son dernier SMS prévoyait une sortie très tranquille. Pour ma part je sortais également de la même crève et j’ai eu les mêmes hésitations à y aller.
Regroupement à Villeneuve avec l’équipe du Kondalé, café et viennoiseries et direction pour notre trio vers le Gouffre de Cabrespine. Philippe, le directeur et membre du club, nous ouvre les portes à 9 heures. 9 h 30 entrée dans le gouffre, désert pas encore de touristes ! Descente de l’échafaudage puis de l’éboulis, toujours bien glissant. Arrivé au niveau de la rivière, au bout d’une heure, je sens que ce n’est vraiment pas la grande forme, jambes un peu molles, instabilité sur les blocs… Mais les copains sont déjà devant à préparer le canoé pour traverser la partie aquatique de la rivière. Et une fois au débarcadère, pas question de faire demi-tour !
Donc nous voilà partis. Progression rivière RAS mais les montées et descente des talus d’argile sont un peu cassantes, quant aux traversées de trémie c’est la galère. Mes copains sont aux petits soins. Mais le temps passe, on dépasse la Salle des Gours, puis la montée vers Capdeville et nous voilà à l’arrivée du réseau de Matte Arnaude qui permet de faire une traversée depuis le plateau. Ensuite c’est la Salle des Dômes. Trois heures que nous sommes partis, question : « Combien reste-t-il de temps pour l’Affluent Sonore ? » ; réponse : « Environ une heure avec la traversée chiante des éboulis de schistes qui sont une patinoire ».
Le calcul est vite fait, aller et retour cela ferait au moins deux heures de crapahut. Le retour risque d’être extrêmement galère sans parler du risque de glissades, etc. La décision est prise : pas question de faire demi-tour, seul c’est trop paumatoire et risqué, sans compter le lac à traverser, je vais les attendre ! En fait on s’est arrêté juste avant les Dômes au niveau d’une alcôve sèche, au sol argileux qui servait de bivouac pour les grandes explos. Et il reste encore deux karrimat°, et suprême luxe, Jean-Marie sort de son kit un poncho, une petite – toute petite – bougie et un briquet. J’ai des provisions, de l’eau, des sous-vêtements épais, mais humides -, je devrais tenir. Combien de temps, au minimum deux heures d’après les copains. Il est 12 h 20.
Pour s’occuper petite poussée jusqu’aux Dômes pour quelques photos. Puis installation, assis sous le poncho, bougie entre les jambes, on sent bien la chaleur. Mais rapidement la position assise devient inconfortable et la petite bougie n’apporte plus beaucoup de calories. Casse-croûte, mais quand le froid s’installe on manque d’appétit. Deuxième heure, allongé sur le karrimat dans l’alcôve, pour essayer de dormir
maisimpossible avec le froid et l’humidité (le poncho ça condense !). Il faut se lever pour aller pisser et là ce sont les crampes ! Quelques pas sont possibles et retour au karrimat. Toujours pas de sommeil et une certaine inquiétude pour ce qui concerne le retour, il y en aura au moins pour trois heures. Ça gamberge !
Faut pas trop regarder l’heure mais on approche les trois heures, pas question de bouger, position fœtale pour s’économiser. Il y a bien longtemps que la bougie n’est plus qu’un minuscule point rouge mais cela rassure. Déjà trois heures qu’ils sont partis, un vague murmure dans le lointain, qui se répète puis un appel distinct, ILS ARRIVENT ! Il est 15 h 30, debout le brave, rassemblement des affaires et devant mes tremblements les copains me frottent vigoureusement le dos, la
chaleur revient.
On ne s’attarde pas, c’est parti pour le chemin du retour qui finalement paraitra moins long que l’aller – deux heures trente ! Mais la remontée de l’éboulis et de l’échafaudage sera quand même très pénible, tachycardie, jambes molles, je m’arrête à de multiples reprises. On retrouve Philippe qui nous avait attendu avant de fermer la grotte – heureusement ! Il est 18 h 30.
La soirée se terminera à la base spéléo de Trassanel avec une bonne saucisse grillée arrosée de
multiples vins, en compagnie de l’équipe du Kondalé. Mais quand même assez vite rentré pour une douche chaude exquise !
Bonne expérience dans la vie d’un spéléo, on a tous l’habitude de rester un certain temps à attendre, soit en haut ou bas de puits ou autre motif mais seul dans le noir pendant trois heures c’est une première. Raisonnablement il n’y avait pas d’inquiétude à avoir, pas d’accident, les copains allaient revenir, seulement un peu d’anxiété pour le retour. Mais en cas d’accident ou de blocage par crue, cela doit être long mais on n’est rarement seul dans ces cas-là.
JND
Un résumé de l’explo de JM et André :
« Nous filons vers notre affluent. Nous arrivons bien à la galerie et attaquons nos provisions. Où est la suite ? Juste à côté il y a bien un passage étroit descendant. Le grondement de la rivière est net. Ça ne m’inspire rien puisqu’on va descendre vers la flotte alors qu’on est là pour monter. Passés les premiers mètres étroits, les parois s’écartent et nous débouchons deux fois sur des regards noyés. Le coin est vraiment pas mal. Le troisième est le bon : le couloir descend vers la Clamoux que nous traversons pour atteindre un couloir rive gauche. Une barrière concrétionnée coupe le couloir. Un ruisselet la descend. Derrière le couloir s’élargit, on file vers le sud mais un petit lac nous arrête : eau turquoise, sable… Le rêve.
Plus d’une dizaine de mètres, je vois bien qu’on n’a pas pied. Je ne suis pas sûr qu’André s’en aperçoive aussi… Il se lance, décidé. Le sol descend et ce qui devait arriver… Il termine sa traversé d’un magnifique papillon crawlé.
Bref il arrive sur l’autre berge et le couloir continue. Et merde, il va falloir que j’y aille, avec baudard, kit, perfo…. Le couloir monte de plus en plus. Après un petit col nous mettons notre corde
pour redescendre une petite faille. Encore quelques mètres et un deuxième ressaut m’arrête (nous n’avions qu’une corde). Plus loin une belle salle se distingue à peine. Retour au col : deux couloirs inclinés partent vers le plafond, boueux mais pénétrables. Pas sans équiper et nous n’avons pas le temps. À l’extrémité du premier, des coulées de boue descendent du plafond. La fin du second est invisible : trou noir. Ça vaudra vraiment le coup d’y revenir une fois au moins. Le Kondalé est très peu ventilé. Donc il existe un bouchon assez hermétique. Peut-être celui-là ?
Retour avec l’épreuve de natation synchronisée… Arrivés à notre galerie initiale, nouvelle collation et mon ARVA capte brièvement un signal victime : 35 m puis 60 puis plus rien… On n’est vraiment pas loin. Il faudra revenir d’autant que l’éboulis au-dessus est inexploré et que de nombreux passages sont évidents.
Marche rapide. Nous rejoignons Jean-Noël. Sa bougie s’est éteinte. Il tremble de tous ses muscles et le claquement des dents résonne sous les voûtes (j’exagère à peine). André le bouchonne énergiquement et nous repartons. »
JMB
Post-conclusion : une certaine frustration de s’être arrêté quand j’ai lu le compte rendu des copains mais la décision a été la bonne. Depuis qu’on patauge dans le Retex on voit bien qu’il faut savoir raison garder. Il y a un moment où la tête dit « On y va » et le corps dit « Stop ! ». Cela peut arriver à tout âge mais je crois que j’ai atteint le point de bascule, savoir renoncer !
































