Dimanche 9 novembre 2025
Spéléo, visite
Mine de Bauxite de Tourves — Mazaugues (84) —
ITP / Spéléo Corbières Minervois / GPS : Jean-Noël D.
CoMed :11 participants
CDS83 : Guillaume C., Doriane D.-F., Éric D.
TPST : deux heures
Cette année, pas de cavités avec plein de spéléothèmes au programme – pourtant elles ne
manquent pas dans le Var –, ce sera une visite de mine : les mines de bauxite de Tourves / Mazaugues.
Nous serons pilotés par Éric D. que l’on remercie pour ses commentaires instructifs sur l’exploitation de la bauxite ainsi que les spéléos du CDS83, Doriane D.-F. et Guillaume C. pour leur accompagnement fort sympathique.
Avant tout, quelques explications géologiques fournies par Dominique Blet :
La bauxite est une roche sédimentaire découverte en 1821 aux Baux de Provence dont elle tire le nom. Le terme bauxite désigne en fait un ensemble de roches riches en oxydes et hydroxydes d’aluminium mais dont la composition varie et dont la teneur en silice (résiduelle) conditionne son usage en tant que minerai d’alumine. D’autres oxydes métalliques sont présents dans la roche tels que le titane ou le gallium lui aussi exploité tandis que les oxydes de fer sont éliminés.
La mine de Mazaugues est située au sein d’une bande sédimentaire qui s’étend sur 14 km d’Est en Ouest, logée entre les calcaires à rudistes du Coniacien (-88 Ma) du Crétacé supérieur au Sud et les calcaires blancs du Tithonien (-150 Ma) dernier étage du Jurassique supérieur au Nord.Le gisement de bauxite de la mine de Mazaugues repose sur les calcaires karstifiés du Valanginien (-135 Ma) et sont surmontés par les calcaires noirs du Turonien que nous avons pu observer au plafond des couloirs de la mine.
Le gisement est important et a donné lieu à plusieurs exploitations minières – Mazaugues et Vautruite – ou à ciel ouvert – Equireuil. La mine de Mazaugues a cessé d’être exploitée en 1980. Le minerai était traité par l’usine Altéo de Gardanne qui utilise maintenant le minerai en provenance de Guinée via le port de Marseille. Le procédé d’extraction du minerai d’aluminium – procédé Bayer – consiste à séparer à haute température les oxydes de fer et d’aluminium. Les oxydes de fer sont éliminés par lessivage et donnaient les fameuses « boues rouges » évacuées vers les fosses marines au large de Marseille. Depuis 2013 cette pollution a cessé par retraitement des eaux delessivage et récupération des déchets eux-mêmes exploités. Les oxydes d’aluminium débarrassés des autres oxydes métalliques prennent le nom d’alumine qui est blanche. Ils sont alors traités par électrolyse pour produire le métal aluminium.
Origine de la bauxite
La bauxite de Provence s’est formée au Crétacé qui était, pour ce qui deviendra cette région, enclimat tropical. Il y a eu altération des roches magmatiques du massif hercynien et hydrolyse des feldspaths (série albite-anorthite) conduisant dans un premier temps à la formation d’argile (kaolinite) puis le climat
chaud et très humide a permis la poursuite de l’hydrolyse de l’argile formée conduisant au lessivage des ions solubles et à la ségrégation des minéraux insolubles – les hydroxydes métalliques (fer, aluminium, gallium et titane). Les hydroxydes insolubles sont alors transportés (par gravitation et transport fluviatile) dans les zones en creux déjà existantes, bassins et paléo karst. La présence dans la mine de puits et salles d’originekarstique explorées par nos amis spéléologues atteste du rôle du paléo karst en tantque lieu de sédimentation. Les mines de fer du plateau de Lacamp dans l’Aude relèvent du même processus sédimentaire. Il n’est donc pas étonnant que la bauxite repose sur les calcaires karstifiés du Valanginien qui est le deuxième
étage du Crétacé.
Les roches prélevées dans la mine de Mazaugues
La bauxite tigrée est un bel assemblage de nodules rougeâtres (pisolites ferrugineux) ou blancs (aluminium) dans une gangue de silice. Les carbonates sont absents.
La roche noire du turonien est un mélange complexe de calcaire, de débris végétaux noirs qui teintent l’ensemble bien que peu abondants et surtout d’éléments silicatés abondants (sable) correspondant très certainement à une série fluvio-lacustre.
Cette superposition de strates est très visible sur la photo ci-contre. Le calcaire turonien, très foncé, apparait au plafond.
Dominique B.
Dimanche matin, neuf heures, départ de la tribu CoMed pour retrouver nos guides,directionensuite Mazaugues à une cinquantaine de kilomètres au nord de Toulon. Une courte piste et on stationne devant le portail de l’usine abandonnée de Trouves / Mazaugues. Équipement léger, casque et combi suffiront. Une fois le portail franchi, la matche d’approche sera de cinq minutes, en terrain plat. Nous voilà devant l’entrée blindée de la descenderie. Pour des raisons de sécurité, le site est bien protégé.
On descend dans un tunnel relativement large de 2-3 m, avec une hauteur sous plafond de même dimension et en pente régulière. Le filon rouge de bauxite est bien visible

Quelques centaines de mètres plus loin, la progression devient horizontale, la section des galeries rectilignes est identique. Sur le mur, un peu plus loin, c’est le tableau des jetons de recette, les travailleurs pointaient tous les jours. S’il en manquait un le soir, c’est qu’un mineur était toujours au fond.
On découvre une voie unique, un rail noyé dans le sol rouge boueux. On le suit sur plusieurs centaines de mètres, toujours dans le tunnel, puis un aiguillage donne naissance à une deuxième voie parallèle. Un peu plus loin encore une bretelle de raccordement entre les deux voies.
On peut observer des strates de bauxite d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur.
Nous voilà à l’espace qui servait de dépôt, embranché sur la voie principale et où est encore en place un locotracteur.
Descente dans une galerie perpendiculaire avec pente plus importante, la traction des berlines se faisait par un treuil situé dans un renfoncement en haut de la galerie.
En bas une série de cavités supportée par des piliers donne à voir plusieurs chantiers desservis soit par des sauterelles, soit par des plaques tournantes ou encore des aiguillages.
En certains endroits, il faut mieux éviter de lever les yeux au plafond…
Au fond d’une galerie, un wagonnet abandonné, qui devait servir à acheminer les rails au fond de taille.
Des empilements de rails sont encore en place sur une hauteur de 1 m.
Fin de la galerie, nous ne pouvons aller plus loin car l’eau affleure. La galerie disparaît sous l’eau.
Au retour, on découvre une berline bien pliée, sans doute victime d’un éboulis, de multiples effondrements dû aux infiltrations ont été observés.
Balade ensuite dans des galeries de bien plus grandes dimensions, sites d’extraction plus récents, des engins pouvaient y circuler. Le plafond est conforté par des boulons.
Poursuite des déambulations, la galerie est fermée par une paroi métallique avec un soupirail en son point bas. Ce serait une banale étroiture à franchir car derrière cela continue, mais la suite est en partie inondée. L’endroit est idéal pour la photo de groupe.
Nos guides nous mènent vers une galerie ressemblant plus à un boyau de spéléo, qui permet l’accès à son extrémité à une vraie grotte ; une coulée stalagmitique, quelques ressauts, un vrai puits de 10 m et une suite… Sniff, on n’est pas équipés.
Voilà le temps du retour, TPST au moins deux heures. On retrouve le soleil, nos guides doivent nous quitter pour cause d’obligations familiales. Ils nous indiquent un site idéal pour aller pique-niquer : le Saut du Cabri dans les gorges du Caramy, à quelques kilomètres.

Bien restaurés, on se concerte pour trouver une petite rando pour éliminer ces agapes. JP propose le monastère et la grotte de Marie Madeleine, haut-lieu touristique de la Sainte Baume ; ce n’est qu’à quelques kilomètres. Mais plus on s’approche, plus la densité de véhicules en stationnement s’accroit. Au départ du sentier ce sont plusieurs centaines de véhicules qui sont garées ! Pas question d’aller grimper avec cette foule.
Brigitte trouve un plan B, une boucle de 7 km pour aller découvrir la source l’Huveaune ou
résurgence de la rivière de la Castellette – la grotte éponyme se situant juste au-dessus. Mais vu l’heure un peu tardive – il est 15 h 30 – on se contentera d’un aller-retour, qui fera quand même 6,97 km avec 270 m de dénivelé (sans être un calvaire, le Chemin des Roys, qui suit l’itinéraire que les rois de France, les reines, les papes et les pèlerins empruntaient dans leur pèlerinage vers la grotte Marie Madeleine, est une belle grimpette…) pour deux heures de rando, on rentrera juste à la nuit tombante. On aura pu admirer les tufs calcaires créés par la rivière qui a traversé la grotte. Les plus courageux ont poussé jusqu’à la Grotte du Moulin quelques dizaines de mètres plus haut.
Un beau résumé en images : https://www.youtube.com/watch?v=5cdD7BL7VZE
Le lendemain soir, pour clôturer ces superbes journées, balade sur le chemin côtier de Saint-Mandrier. Toujours à la nuit tombante ce qui nous a permis d’admirer un magnifique coucher de soleil.
JND