Samedi 9 au Lundi 11 novembre 2024
Rencontres annuelles de la Commission Médicale
Spéléo, visite
Grotte de Foissac, Foissac (12)
Participants
ITP / SCM / GPS : Jean-Noël D.
SCM : Véronique M.
CoMed : Brigitte A. Jean-Marie B., Jean-Pierre B., Thierry C., Julie D., Claire F., Laure L., France R., Guy V.
Invités : Christophe V.
Gente canine : Bosco
TPES : dix heures
TPST : six heures
Discussion classique sur les sujets médicaux en rapport avec la spéléo.
Bribes de géologie
La grotte de Foissac se déploie dans les calcaires du Jurassique moyen correspondant au Bajocien et au Bathonien (-170 Ma). Les surrections pyrénéo-alpines ont provoqué un soulèvement et une légère bascule du massif mais surtout des failles qui ont leur importance dans la genèse de la rivière souterraine. Le massif calcaire qui abrite la grotte est limité au sud-est par une faille normale orientée nord-est sud-ouest et au nord-ouest par la vallée du Lot qui offre le dénivelé propice pour une résurgence. Les conditions pour un karst généreux sont donc rassemblées : pluviosité, gradient hydrodynamique et calcaire abondant. La faille située au sud-est marque la limite et le contact avec les terrains schisto-marno-calcaire du Toarcien plus ancien (-180 Ma) qui est maintenant recouvert par un riche sol argilo-calcaire : le terrefort. Moins résistants à l’érosion, ces terrains du Toarcien ont été surcreusés au Pléistocène (-2.5 Ma à -12 000 a) donnant naissance à un poljé avec ses pertes et ses ponors. Ainsi la rivière souterraine est-elle alimentée en continu par la perte de la Jonquière et épisodiquement par les pluies qui se collectent dans le poljé ce qui rend compte des élévations brutales du niveau de la rivière souterraine comme l’a fort bien expliqué Sébastien mais également des dépôts d’argile dans les zones qui échappent au courant. Quant aux pisolites de fer déposés lors de la constitution du karst, leur densité les retient dans le fond de la rivière tandis que les argiles sont lessivées.
NB : pisolite formation géologique sphérique (ou presque) supérieure à 2 mm. Les perles des cavernes sont des pisolites.
Dominique
« Lieu où l’on se repose », coïncidence où non avec les squelettes gisant dans sa grotte, Foissac mérite bien son nom[1]. Nous sommes accueillis par Alain du Fayet de la Tour, le père de Sébastien – gestionnaire de la cavité – que nous avions rencontré la veille ; il nous explique les circonstances de la découverte de la grotte. En août 1959 une petite galerie avait été découverte à partir du Trou qui fume (un agriculteur avait remarqué un dégagement de fumée qui n’était autre que de la vapeur de condensation provenant d’un réseau souterrain). Depuis, que de journées sous terre, à explorer et désobstruer les innombrables diverticules du réseau. Pour aller toujours plus loin, il a fallu imaginer et comprendre le cheminement de la rivière Jonquière. En 1963, le réseau topographié faisait près de sept kilomètres mais l’éboulis amont résiste toujours aux assauts des spéléos. Le 1er février 1965 l’équipe de spéléologues de Capdenac découvre par un boyau d’une vingtaine de mètres, creusé dans le thalweg près de l’entrée touristique actuelle, la partie de la cavité aujourd’hui aménagée au public, c’était l’extrême amont du réseau où de nombreux vestiges sont présents. Ils viennent de découvrir un important gisement archéologique : squelettes humains, vases en terre cuite, empreintes et traces humaines… La grotte de Foissac sera ouverte au public en 1973 et classée monument historique en 1978.
À cette époque de l’année, le site est fermé au public. En pleine saison, près d’une quinzaine de guides sont embauchés pour encadrer les visites, autour de 15 à 20 000 personnes par an. La cavité a été ouverte uniquement pour la CoMed. Bosco restera sagement dans la voiture, la cavité est interdite aux chiens, on comprendra pourquoi en voyant tous ces ossements au détour de chaque virage. Cela aurait gênant de le voir partir avec un fémur de 5 000 ans dans la gueule…
L’accès dit touristique se fait par un escalier d’une petite centaine de marches en bas duquel nous retrouverons l’accès à la galerie initialement découverte en 1965. Notre ami Dominique passionné de géologie nous a fourni plus haut toutes les précisions sur la formation de la cavité, reprenant les explications que Sébastien avait détaillées en début de matinée au cours d’une petite promenade champêtre autour de la cavité, afin de bien observer et comprendre la typologie du site.
Dès le début de la galerie, on peut observer sur la paroi des empreintes de mains et pieds, un humain a évolué au milieu des concrétions, a cassé un spéléothème et a glissé… Figurent également des empreintes de pied d’enfant. Ce qui attire l’œil c’est la gamme très haute en couleurs des concrétions avec une dominante de tons sienne alternés avec les blancs et les tons argentés : draperies, colonnes, bulbes recouvrant la roche ou petites concrétions de la taille d’une châtaigne ainsi dénommées car parfois cassées, elles en dévoilent alors leur intérieur creux.
Foissac est l’une des rares grottes où furent découverts des squelettes entiers, au total une quarantaine, datés du Chalcolitique, il y a environ 4 800 ans : dont une femme haute de 1,45 m, relativement âgée – il y avait au niveau de sa colonne vertébrale des signes d’une arthrose très évoluée et elle présentait des dents usées avec de nombreuses carries. Le corps a été calé avec un monticule d’argile. On la trouve sur le dos avec les membres supérieurs ramenés sur son abdomen et les membres inférieurs fléchis ; présence caractéristique d’offrandes avec un plat de côtes de cochon coincé sous sa jambe gauche et une moitié de tête de sanglier à proximité de son épaule droite. Et plus loin sur notre droite un homme d’une trentaine d’années, le fameux Arthur, jambe droite repliée et dont le crâne, porteur d’un enfoncement cicatrisé au niveau de la partie frontale, a basculé sur le côté avec le temps. D’autres os sommairement regroupés en deux lieux différents puis le squelette d’un enfant de 8 ou 9 ans qui se trouve sur une plateforme plus élevée ; il a été démontré qu’il avait été déposé en position accroupie et adossé à la paroi. Il a du être ligoté ou enveloppé dans un sac. La décomposition a entraîné une dislocation, puis une chute du corps. Sépulture à laquelle vient s’ajouter celle d’un enfant de 2 à 3 ans près de la paroi. Ceci pour les os d’humains.
Quant à la présence de mammifères on note spécialement la découverte dans un boyau suspendu d’un os de patte avant d’un très grand lion ; il pourrait aussi s’agir d’un smilodon – le tigre à dents de sabre…, mais les avis divergent selon les spécialistes, car ce smilodon n’est pas sensé avoir peuplé l’Europe. À part les lions ou smilodons d’autres mammifères côtoyaient la grotte et la preuve en est avec cette magnifique mini-sculpture taillée dans une phalange de bison ; représentait elle une femme coiffée ?
Une autre particularité fut l’extraction d’une quarantaine de mètres-cube d’argile (d’après les estimations), quantité non négligeable vu les outils très primitifs (spéléothèmes, cornes d’animal…) dont disposaient ces femmes et ces hommes et les conditions dans lesquelles ils travaillaient (l’un éclairant avec la torche – dont on retrouve la trace -, l’autre creusant et les deux autres personnes évacuant l’argile hors de la grotte). Cette argile servait principalement à recouvrir les toitures et les surfaces des cabanes en bois pour les isoler de la température extérieure et les protéger des prédateurs, insectes, etc.
Il est midi, retour à la lumière et saut temporel de presque 5 000 ans pour rejoindre notre hôtel avant d’affronter la sortie sportive de l’après-midi.
Véronique
Après avoir bien récupéré de nos déambulations dans la partie aménagée – on mange bien au relais de Frejeroques de Foissac -, nous voilà repartis en compagnie de Sébastien pour une balade de trois à quatre heures dans la partie spéléo. France doit nous quitter pour retourner dans ses pénates. Nous serons donc neuf vaillant(e)s aventurier(e)s à nous diriger vers le puits d’entrée accompagnés de Véronique et Bosco.
Ce puits de l’entrée secondaire (l’entrée naturelle s’étant effondrée, l’entrée spéléo étant le Trou qui fume, il existe d’ailleurs une autre entrée plus en aval le puits Chivardy qui permet de faire une belle traversée) est aussi appelé puits FFS après avoir été le puits Genebrières (entrée artificielle qui avait été rebouchée par le propriétaire des lieux devant l’afflux de spéléos… mais heureusement la FFS s’est portée acquéreur de la parcelle). Sébastien nous briefe sur la descente, une buse verticale d’environ 4 m, diamètre 1 m et une dizaine d’échelons. En bas c’est le plan incliné d’une vingtaine de mètres, où il ne faut surtout pas toucher le plafond qui est parfois à 40 cm. À l’aller, aucun souci, au retour il parait que c’est une autre histoire, on verra…
Arrivée sur une sente empierrée et très glissante, surtout ne pas sortir des rubalises, c’est la zone des peintures, que l’on verra au retour. Enfin la rivière, le plafond est très haut. Première destination la galerie amont et la zone d’éboulis derrière laquelle se trouve l’aval de la partie touristique. Un boyau artificiel avait été creusé par les spéléos mais s’est effondré ensuite. Ambiance magnifique de rivière souterraine, de l’eau au maximum à mi-cuisses. La remontée de la rivière est fermée par une grille que l’on pourra shunter par la droite. Beaucoup de spéléothèmes de toutes sortes.
Demi-tour à l’éboulis et on redescend la rivière. Sur la droite Sébastien nous emmène dans un diverticule pour voir les « petits soldats », comme les sapins d’argile de Trabuc. Surprise pour lui, la zone est remplie d’eau, c’est la première fois qu’il en constate la présence.
Retour dans la zone d’entrée, il nous a ouvert la grille et on file vers la gauche dans une zone un peu chaotique – franchissement de blocs, vire avec main courante, on est dans la galerie qui mène au Trou qui fume et on découvre la Salle de la Tour de Pise, énorme concrétion bien sûr penchée.
On revient sur nos pas pour se diriger vers l’aval, par de grandes salles fossiles remplies de stalagmites. Zone très glissante où on progresse avec précautions, passant autant de temps à regarder ses pieds plutôt que le plafond. Les grandes « mites » permettent de se tenir mais au milieu des petites c’est plus craignos…
En un point haut de ces grandes salles, direction à droite vers la Galerie des Pots à tabac. Guy, commençant à souffrir du genou, fera une pause et nous attendra. On arrive devant une barrière stalagmitique au pied de laquelle se trouvent ces fameuses concrétions ressemblant réellement à d’anciens pots à tabac. On mitraille… La suite est sur la droite par une « étroiture » toute relative mais il faut s’allonger et se mouiller un peu… Jean-Pierre déclinera l’invitation. Derrière c’est du grand et tout plat. Sébastien veut nous emmener voir une colonie de chauves-souris. Jean-Marie remarque qu’il commence à souffler « comme un bœuf ». « Décidément je vieillis » nous dit-il. On lui fait la même remarque mais c’est normal on est bien plus vieux… En fait Sébastien nous indique qu’il y a au moins 3 % de CO2 ! Demi-tour, on repasse l’étroiture et descente vers la rivière, l’air est nettement plus respirable.
La progression est bien plus facile dans le lit de la rivière. Festival de coulées blanches, draperies, roches érodées, tout est là ! Mais le temps passe, on est un gros groupe et on progresse à vitesse moyenne pour certains et puis il y a les arrêts photos. Sébastien aurait bien aimé nous emmener à la Salle Blanche mais il aurait fallu ôter les combinaisons et les chaussures, pas assez de temps.
Retour par le même chemin jusqu’aux salles fossiles où on récupère Guy et remontée de la rivière pour regagner directement le bas du plan incliné d’entrée. Nouveau briefing de Sébastien : en haut de la sente empierrée, sur la droite se trouvent les peintures rupestres. Il faut se coucher pour les découvrir au plafond.
Ce n’est pas très spectaculaire – nous ne sommes pas dans la grotte Chauvet. Elles sont datées du Paléolithique supérieur (entre 13 000 et 32 000 ans) et recouvertes partiellement par de la calcite. Tracées en noir apparemment avec des bâtons d’oxyde de manganèse ; les tracés sont un peu estompés mais on devine bien la forme des animaux et l’utilisation pas le ou les auteurs de ces dessins des volumes de la paroi. On devine surtout deux bisons, mais il y aurait au total une dizaine de représentations animales : trois bisons, deux herbivores, sans doute deux bouquetins. Au moins trente-deux mamelons de calcite ont été utilisés pour les transformer, peut-être en petites têtes, en y ajoutant deux petits cercles de peinture.
Reste la remontée du plan incliné, rendu bien glissant par la descente puis la remontée des premiers de notre groupe. Première partie en libre, ça va encore, on peut caler les pieds, deuxième partie la corde est là mais bien grasse et le plafond s’abaisse (il ne faut surtout pas le toucher…) et peu de prises pour les pieds. On se hisse à la force des biceps, une poignée aurait été la bienvenue… troisième partie une échelle spéléo à l’ancienne mais les barreaux glissent les uns après les autres, il faut chercher quelques prises sur le côté !
Enfin le bas du puits et les échelons salvateurs. Dehors c’est la nuit noire ; il est 18 heures. Chacun(e) est mitraillé(e) à la sortie du puits. Retour, un peu fourbus au retour mais enrichis d’une sortie extraordinaire, le réseau spéléologique offre toute la diversité de la progression souterraine : la rivière, les concrétions, les paysages souterrains avec leurs contrastes de couleur sont magnifiques. Les amoureux de la Montagne Noire feront remarquer qu’il n’y a pas d’aragonites… Mais quelle féérie que cette Grotte de Foissac et encore merci à Sébastien pour avoir partagé cette merveille avec la CoMed.
JND
PS : Certaines phrases et informations sont issues de l’excellent article La grotte de Foissac, éternelle et fragile, paru dans Spelunca N°171, septembre 2023
[1]– Le nom de famille Foissac trouve ses racines en France, plus précisément dans la région occitanique. Il dérive probablement du terme « foissac » qui signifie « lieu où l’on se repose », tiré du mot occitan « foissar ». Ce nom est souvent associé à des terres agricoles ou à des zones rurales, ce qui reflète l’importance de la nature dans la culture de l’époque. La présence d’ardents propriétaires terriens et agriculteurs dans l’histoire familiale pourrait également être suggérée par cette étymologie.
Les noms de famille en France révèlent souvent des aspects de la vie quotidienne de nos ancêtres. Ainsi, Foissac peut évoquer une connexion profonde avec la terre et l’environnement local, symbolisant l’attachement des familles à leur héritage rural et à leurs traditions. (https://venere.it/fr/la-signification-et-lhistoire-du-nom-de-famille-foissac/)